Le fan est partout !

En 2009 dans la revue Réseaux, Philippe Le Guern publie un article portant le titre suivant : « No matter what they do, they can never let you down… », entre esthétique et politique : sociologie des fans, un bilan critique. Son but ? Mettre en exergue le fait que tout le monde est fan : aussi bien les personnalités intellectuelles que les individus lambda.

Pour prouver ses dires, l’auteur se base tout d’abord sur sa propre expérience. Étant issu d’un milieu modeste et n’étant pas un féru des vignettes Panini dédiées aux artistes du ballon rond, Philippe Le Guern s’est tourné à l’âge de 10 ans vers les Beatles. Cela lui a permis d’ouvrir des horizons inédits ce qui s’est notamment traduit pour Le Guern par la découverte d’un monde d’harmonies en dehors de son univers domestique et scolaire. L’auteur de cet article c’est dans cette optique construit tout un univers familier autour des Beatles fait d’extraits de morceaux enregistrés des différents sons des Beatles mais également de photos du groupe récupérées. Malgré tout à cet âge et en dépit de son fanatisme absolu, Philippe Le Guern avait pris le parti de ne pas s’engager dans un fan club : il préférait rester discret commentant rarement l’objet de sa passion. Toutefois cette passion avait de puissants effets dans sa vie, qui par ce biais trouvait ainsi tout son sens.

Dans cette optique, Le Guern se range aux côtés de Lawrence Grossberg autour de l’idée suivante : la passion qu’éprouvent les individus que l’on qualifie de fans est une expérience sociale très partagée. Ainsi le mot fan permet a minima de témoigner d’une certaine idée de l’attachement à des objets qui comptent pour ceux qui y sont attachés. Un fan se caractérise en ce sens de la manière suivante : un certain niveau d’engagement dans l’admiration bien supérieur à ce qui est attendu du public « ordinaire » pour ainsi laisser place à une économie de la démesure. Cette dernière se mesure notamment à travers le temps passé ou encore l’argent dépensé par les fans pour assouvir leur passion.

Le fan fait véritablement la part belle à un double niveau d’implication :

-En interne le fan pousse véritablement au maximum le rapprochement entre passion et style de vie

-En externe il inscrit généralement sa passion dans les réseaux communautaires, qui sont des lieux privilégiés pour notamment permettre la création d’échanges et d’interactions sociales avec d’autres personnes qui partagent la même passion. Le Guern pose alors la question suivante : l’expérience des fans est-elle comparable aux liturgies religieuses ? De nombreux ouvrages (de par leurs titres notamment) suggèrent cette idée à tel point qu’il est aujourd’hui très difficile d’échapper au mot culte dans l’espace médiatique. Ainsi certains établissent une analogie entre rituels liturgiques et rituels de fans tandis que d’autres critiquent l’usage métaphorique du terme culte.

Pour expliciter ce dualisme qui existe entre ceux qui font le lien avec le religieux et les autres, Le Guern mobilise notamment Matt Hills qui dit notamment que selon lui l’attitude des fans n’est pas comparable aux comportements religieux. Elle relève pour lui du néo-religieux, et ainsi pour lui le registre religieux est le seul qui rend compte d’une passion singulière et en apparence irrationnelle.

Matt Hills

C’est un fait : le fan est présent dans toutes les couches de la société : aussi bien dans la petite bourgeoisie que dans les classes populaires. Au sein de la société contemporaine les hommes et les femmes ordinaires sont réduits au rôle de fans voués à consommer faute de mieux les produits les moins légitimes de la culture populaire. Le fan dévoile sa condition sociale par le fait qu’il s’empare avec un sens exagéré d’objets à faible légitimité (films, disques, séries télévisées, …) tout en étant totalement désintéressé par la recherche du profit immédiat qui caractérise notamment les détenteurs de la grande culture. Malgré tout la culture fan est une forme de la culture populaire faisant écho à la culture officielle et qui en reproduit la structure.

Pour certains auteurs le fan est un public actif, coproducteur du sens des œuvres et qui est engagé dans une véritable dynamique d’appropriation. Il participe également à des sociabilités et des interactions qui supplantent la simple réception. Il existe en ce sens 3 types de productivité : sémiotique (production de la signification des identités sociales  ; énonciative (il s’agit de la circulation des significations relayées par les « conversations » à l’intérieur des communautés de fans) ; textuelle (les fans se réapproprient les « textes », les détournent, les parodient, les prolongent, les reconfigurent, comme dans le cas des fan-fictions ou encore des vidéos « alternatives » élaborées à partir de vidéos musicales, de séries télévisées ou de films).

La créativité des fans souligne la tension entre les communautés de fans et les industries culturelles ; et il y a véritablement une lutte entre ces deux éléments avec notamment les industries culturelles qui tentent par tous les moyens de contrôler les fans.

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